lundi 19 janvier 2015

Charlie-Enzo

Affiche Diktat avec bandeau
Pour les amateurs que nous sommes, mais aussi pour les professionnels sans aucun doute, l’échéance d’une première est synonyme d’anxiété(s), de trac, d’incertitudes certes, mais c’est aussi la joie, le bonheur suprême de grimper enfin sur la scène et de présenter le fruit de longs mois de travail au public. Les dernières journées avant le jour J sont en revanche un peu stressantes ; il faut s’assurer de la bonne marche des ultimes préparatifs, invitations, réservations, repas… etc. Nous ne saluerons jamais assez, pour ce qui nous concerne et à ce propos, l’équipe du Foyer Rural de Fayence-Tourrettes qui nous épaule indéfectiblement de façon remarquable. On pense ici à Lucile, Isabelle, Mireille, Coralie, Laurence, Chantal, Félix, Michel et Isabelle… pour ne citer qu’eux.
Nous devons donc avouer que dans de telles conditions, les « soucis » sont significativement atténués et on peut espérer n’avoir qu’à se concentrer pour donner le meilleur de nous-mêmes… sur scène.
Sauf que.
Sauf que nous ne pouvons tout maîtriser et surtout
pas l’actualité. Et quelle terrible actualité pouvait être plus accablante que celle de ce mercredi 7 janvier 2015 ?! Cet immonde attentat prenant pour cible l’équipe de Charlie Hebdo, fauchant ceux que nous considérions depuis toujours, sans même les connaître personnellement bien sûr, comme de très chers amis. Effroyable, barbare, stupide, inacceptable. Inutile de redire ici l’effroi suscité par cet événement et celui, parallèle, de la tuerie de la Porte de Vincennes.
Anéantis. Comme la plupart des Français, nous sommes anéantis, désespérés. Et pourtant, la vie doit continuer… The show must go on ! Nous devons jouer ces deux premières, nous devons plus que jamais porter les mots d’Enzo Cormann, les maux de ce monde furieusement terrifiant. Mais comment se concentrer dans de telles conditions ? Cette hécatombe est en nous, à chaque instant et les larmes coulent régulièrement pendant les deux jours précédant la première. Nous ne pouvions imaginer pire mise en condition !
Néanmoins, le fait de présenter Diktat, précisément, qui déjà en temps normal eût été un challenge, prend alors une tout autre proportion.
Pour ceux qui ne connaissent pas le propos et qui n’étaient pas présents à ces premières, nous devons préciser que le texte d’Enzo Cormann parle justement d’une prise d’otage dont la tournure dramatique, si elle n’a pas grand-chose à voir avec ces événements tragiques, débouche également sur un massacre. L’écho suscité est évidemment inévitable, incontournable et notre appréhension est pesante, indépendamment du fait que notre choix est absolument assumé, cela va sans dire. Ces deux représentations s’annoncent donc des plus particulières.
Nous apprenons peu avant de monter sur scène, vendredi 9, l’issue tragique de l’Hyper-Cacher de la Porte de Vincennes, ainsi que la mort des frères Kouachi abattus à Dammartin-en-Goële.
Voilà.
Le public entre, s’installe. Il faut y aller !
Nous parvenons malgré tout à habiter les deux personnages, à entrer dans le vif du sujet. Totalement. Nous sentons le public happé par les mots désespérés de Val, par la posture vacillante de Piet… Les spectateurs sont là, avec nous, figés, tétanisés par ce télescopage entre réalité et fiction.
Les applaudissements sont nourris, intenses, vrais, touchants, pendant un salut empreint d’une grande émotion.

Val (Corine Guillerault) et Piet (Yves Guillerault)

Nous aurons le même sentiment, le lendemain samedi, avec un public aussi captivé et, une représentation tout aussi intense et, pour nous, la conviction d’avoir fait le bon choix, indépendamment de cette insupportable actualité. Le théâtre est et doit être politique.
Plus légèrement, et puisque nous parlons ici de politique, il apparaît ici pertinent de saluer l’implication dans l’action culturelle des élu(e)s politiques locaux* qui, bien qu’invité(e)s à ces premières, n’ont pas daigné être présent(e)s, sans même s’en excuser au préalable, bien évidemment. Il est vrai qu’avaient lieu les mêmes jours (mais pas aux mêmes heures) les vœux de deux des huit maires du canton de Fayence ; une autre sorte de « représentation » bien plus importante, en effet, que d’aller voir d’obscurs théâtreux déjà assez subventionnés comme ça ! Ah ! Si seulement Cabu était encore là pour nous croquer tout ça !

6 des 12 victimes de la tuerie du 7 janvier 2015

Pour conclure, nous tenons à remercier également ici Christine Bernard et Daniel Lenglet pour leur sympathique dépannage de matériel vidéo qui nous a permis, à défaut d’avoir des photos, d’immortaliser ces deux premières de Diktat.
Sans oublier toute notre profonde reconnaissance à l’équipe des régisseurs de la Cordée, Félix, Diarra, Gérard et Frédéric. Notre totale gratitude va également à Pierre Tallou, régisseur de l'Espace culturel de Fayence, pour sa précieuse collaboration et ses judicieux conseils, et à son sympathique collègue Christian.

Diktat est maintenant sur les rails, et nous ne manquerons pas de vous indiquer le nom de toutes les gares où notre train s’arrêtera bientôt.

Et n’oublions pas : « Sous ce que l'homme nomme complaisamment sa grandeur, on ne trouve le plus souvent qu'un corps malingre et apeuré, un écheveau inextricable de calculs mesquins, de réflexes de sauvegarde, d'ambitions infantiles… Le roi est nu dessous l'armure. Nu et transi, pitoyable, futile… » (E. Cormann in Diktat)
Y.G.

*Les maires et adjoint(e)s de : Bagnols-en-Forêt, Callian, Fayence, Mons, Montauroux, St Paul-en-Forêt, Seillans, Tanneron et Tourrettes. Seul Monsieur Guillaume Decard, adjoint à la culture de la ville de St Raphaël (hors canton de Fayence, donc) a pris la peine de s’excuser ; qu’il en soit ici remercié.


1 commentaire:

  1. De ma convalescence chez moi, je lis ce beau texte, vrai et juste. Oui, le théâtre est politique. Il Représente !

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